Les transmissions du maternel et du féminin pour un avenir adulte
Pourquoi travailler sur nos origines ?
Travailler sur nos origines met notre histoire en perspective.Nos enfants nous prolongent, tout en nous mettant à une place d’ancêtre futur, de parent, de grand parent, puis d’arrière grand parent. Nous faisons ainsi partie du maillon de la chaine de la vie et cette recherche remet en place la dimension humaine et universelle de la vie. Remettre une perspective historique dans ce qui nous arrive va remettre du souffle et du sens pour comprendre nos échecs, répétitions et enfermements.
Comment j’ai découvert le transgénérationnel dans ma propre clinique ?
Jeune médecin gynécologue, je savais qu’il était important, pour soigner une maladie, de remonter à son origine. Trouver quel était l’événement et la période de vie qui avait provoqué une perturbation au point d’être déstabilisé et en tomber malade. Je me suis mise à questionner l’enfance, la grossesse de la mère et même plus avant. Quelqu’un de votre famille en était-il affecté ? « Ah mais oui bien sûr! » C’est ainsi que j’ai d’abordé la question de la transmission d’une mémoire et de la répétition.
Je militais au planning familial pour que les femmes se prennent en main et ne soient plus enceintes comme une fatalité. Comment les femmes avisées ou pas, émancipées ou pas, intellectuelles ou pas, étaient enceintes à leur insu, sans le désirer parce qu’elles répétaient automatiquement et inconsciemment l’histoire génitale des femmes de leur famille, particulièrement celle de leurs mères... qui répétaient leur propre mère.
Je l’ai compris aussi avec la notion chinoise du Kwei quand je faisais mes études de médecine chinoise. A la mort, les âmes qui n’ont pas accompli leur cycle de vie peuvent coloniser la génération suivante ou celle d’après, et donc la transmettre. Par mon travail avec Didier Dumas, mon conjoint, père de mes enfants, compagnon de route, psychanalyste et écrivain qui a été un des pionniers théoriciens de cette recherche de psychanalyse transgénérationnelle. Le texte de la Bible, « Tu transmettras tes fautes sur 4 à 7 générations » où les fautes sont les défauts de parole, l’absence de mots, le déni, le mensonge, le secret. Cf La bible et ses fantômes de Didier Dumas.
Une façon de nous approprier notre histoire
Nous permettre de mieux nous connaître, nous comprendre et mieux savoir qui on est. Notre vie ne commence pas à notre naissance ni à notre conception. Nous naissons avec une histoire, sociale collective, individuelle et familiale.
Sociale et collective
C’est l’époque où on arrive sur Terre: notre pays, notre langue, notre société, les us et coutumes, les mœurs de l’époque qui donnent le ton culturel de notre mode de vie. Une révolution sociale sans précédent en France et en Occident a entrainé un changement total du mode de vie des hommes et des femmes en levant le tabou de la sexualité de plaisir avec l’avènement de la contraception.Avant les années 70 du 20ème siècle, on se marie vierge et s’engage pour toujours. La sexualité de plaisir est socialement interdite dans les familles, c’est un péché de chair.
Individuelle et familiale
Nous sommes le fruit du croisement de l’histoire singulière de notre lignée maternelle et paternelle. Cette perspective donne de l’ouverture en agrandissant notre espace d’exploration. Elle donne de la profondeur, une part d’invisible se dévoile et permet de voir au-delà de l’œil physique. On découvre réellement ses ancêtres. Cet agrandissement donne du souffle et donc opère un apport de vitalité. Avancer sur la connaissance de soi nous rend plus libre. C’est un entretien de la santé.Toutes les traditions savent que nous héritons de nos ancêtres, seule notre civilisation occidentale l’a gommée depuis quelques générations jusqu’à maintenant dénier que nous héritons d’une transmission ancestrale.
Travailler sur nos origines c’est aller voir ce qui nous a donné naissance.
Le travail transgénérationnel va permettre de repérer des similitudes, des ressemblances de comportement, les identifications, les influences ... pour le meilleur et le pire:
Le meilleur :
C’est le miracle d’être vivant, être présent(e) sur Terre avec notre force de vie, nos dons, nos talents, nos créations, nos accomplissements.
« Maman tu es mon modèle ».
« C’est incroyable comme mon fils choisi dans une boulangerie les mêmes gâteaux que son père choisissait, alors que son père est mort quand cet enfant avait 6 mois. »
Le pire :
C’est le frein, la stagnation, l’enfermement, l’échec, la maladie. On n’arrive pas à vivre comme on le souhaite, on est malade, inhibé, on ne sait pas se prendre en main. Notre créativité ne l’emporte pas. On n’y comprend rien. Sans le savoir, on est pris par des forces, comme une glue qui saisit régulièrement la réalisation de notre désir de vivre et empêche notre accomplissement.
« *J’ai compris pourquoi, on l’a tous compris ce week-end , pourquoi les hommes dans notre famille ont tous l’air d’avoir avalé un manche à balai. Avec « Aïe mes aïeux », on s’est rendu compte, que l’arrière-grand-père était un bâtard, il avait passé sa vie à se tenir « droit » pour masquer sa dramatique blessure. Il portait le nom d’un homme qui n’était pas son géniteur. »
Cette vision transgénérationnelle permet de comprendre le sens des troubles qui ne sont abordables que par cette approche.
Quand la mémoire ancestrale contient des non-dits, des secrets, des traumatismes inconnus qui concernent la sexualité et la mort, la vie, la mort, les amours illicites, les traumatismes de morts violentes, de suicides, les morts en couches ou par avortement, l’inceste, le secret ne disparaît pas pour autant. Ce « secret » va pouvoir prendre l’aspect d’un enkystement, former une crypte qui peut s’imposer et se substituer aux représentations du traumatisme pour prendre la direction de notre vie et nous rendre malade. L’aspect d’une force « vide et opaque » permet de comprendre pourquoi cette force peut s’appeler un fantôme. Le fil de la succession des générations est ainsi parasité par cet enkystement, ce « fantôme » qui, se transmettant inconsciemment dans la succession des générations s’y présente comme une « pathologie de lignée ». Le choc émotionnel provoqué par le traumatisme entraine un arrêt sur image où se bloque la dimension cyclique du temps. Les symptômes alors réactualisent un événement qui s’est produit au même âge, dans les mêmes circonstances, des mutations de vie une ou plusieurs générations précédentes : un mariage, une naissance d’enfants, la grand-parentalité, un deuil, une grave maladie.
« Une amie se met à louper, au début de sa vie de jeune adulte, chacune de ses embauches et de ses histoires d’amour. Elle réalisera, lors d’une thérapie que, si elle ne peut pas se faire reconnaître par un patron, ni aimer par un homme, c’est qu’elle n’a pas été reconnue par un père, par son père. »
« Mais alors vous croyez que si ma grand-mère maternelle est morte d’un cancer des ovaires à 60ans, que ma mère à 59 ans déclare un cancer de l’utérus, je risque aussi quelque chose au même âge ? ». Bien sûr que oui. Ça ne veut pas dire que vous aurez obligatoirement un cancer à 60 ans; mais vous devez savoir que vous êtes menacée par les forces qui ont atteints la grand-mère et la mère et qui leur ont provoqué leur cancer.
Le travail à faire est de se dissocier de ces forces fantomatiques
C’est à nous de les quitter pour ne plus en être tributaires. C’est en reconnaissant leur existence que nous allons pouvoir nous en séparer. Les troubles prennent différentes formes mais surviennent à des dates précisent et particulières qu’Anne Ancelin a appelé « syndrome d’anniversaire » et Didier Dumas préférait le terme de « syndrome de répétition ». Il est important de reconnaître que nous sommes dépositaire d’une histoire qui n’est pas la nôtre mais qui est celle de nos ancêtres que nous hébergeons. Cet héritage nous constitue, nous l’avons « dans la peau », elle fait partie de notre mémoire cellulaire.
Les transmissions du féminin et du maternel
Alors que la vie des femmes a radicalement changé depuis trois générations, l’habitude de taire dans les familles tout ce qui pose problème dans la sexualité et la mort, en le tenant secret, est, elle, toujours active. La majorité des femmes est encore encombrée de pathologie ancestrale.
L’encombrement de la vie des femmes par l’héritage de nos lignées
Les femmes souffrent de maladies récidivantes rythmées par le cycle. Les règles douloureuses, les saignements trop abondants, le syndrome prémenstruel vont évoquer les troubles des femmes de la famille.
« Je voudrais vivre mon état de femme sereinement, sans avoir mal au ventre. Mes règles sont un enfer, surtout le premier jour, quand ça me prend la nuit. C’est toujours le même cauchemar : les jours qui précèdent, j’ai une baisse de moral, une chute totale du désir. »
« J’en ai marre d’avoir mal au bide tous les mois, ça réveille mes vieux démons. »
Il n’est pas normal qu’un phénomène physiologique soit douloureux ou handicapant, pourtant ces troubles sont encore très fréquents. Pour les unes, ce sera de la mauvaise humeur, la vulnérabilité, l’insatisfaction, la tristesse ou la violence, pour les autres, l’apathie, l’inertie, l’épuisement, l’insatisfaction, la tristesse ou des dépressions sans compter les douleurs des seins, le ballonnement du ventre, le gonflement des chevilles et des jambes, les nausées et vomissements et les maux de tête pouvant se manifester comme de terribles migraines, tous ces troubles reviennent régulièrement. Ou encore des pathologies se sont installés dans une chronicité: une prise de poids qui prédomine au niveau des seins, du ventre et des cuisses, des extrémités froides, pieds, mains et fesses gelés ; des maladies à type de tumeurs bénignes fibromes, kystes ou malignes, les cancers du sein, de l’utérus des ovaires. C’est en réponse à mes questions que mes patientes découvrent le poids que représente l’héritage des femmes de leur famille. Dans ce cas, on trouve toujours des pathologies gynécologiques qui ont atteint l’intégrité des femmes dans les générations antérieures. Ou ce sont leur mère ou leurs tantes qui ont souffert de règles douloureuses ou ce sont leurs grand-mères et leurs arrière-grands-mères qui ont été accablées par des drames épouvantables. Elles ont eu une ablation de l’utérus, certaines sont mortes de grossesse extra utérine, de cancer du sein ou de l’utérus ou n’ont pas survécu à la naissance de leur dernier enfant. D’autres ont été traumatisées par des abus ou incestes. Soit encore, elles étaient orphelines, enfant illégitime ou adoptées, sans connaître la vérité de leur histoire. D’autres ancêtres, ont eu des enfants morts, ont fait des fausses couches à répétition, ont perdu très jeunes leur mère, leurs frères ou sœurs d’épidémie ou leur père à la guerre.
Les troubles de la reproduction: infécondité, stérilité
Les problèmes d’infécondité où la femme est enceinte fait des fausses couches à répétition sans pouvoir mener une grossesse à terme, la stérilité du couple qui n’arrive pas à avoir un enfant alors que rien ne l’empêche médicalement témoignent de l’impact direct du phénomène transgénérationnel, l’origine est ancestrale.
Une cliente Françoise M :
- La grand-mère maternelle est enceinte à 16ans et a un garçon mort-né.
- La sœur ainée de sa mère enceinte à 17 ans meurt d’une hémorragie post interruption de grossesse.
- La sœur ainée de ma cliente a un cancer de l’utérus à 16ans qui nécessite une hystérectomie et ovariectomie.
- Ma cliente n’arrive pas à enfanter.
Pour les cas de stérilité, il y a bien un blocage mais celui-ci n’est pas physique. Rien ne fait obstacle à la fécondation. Force est donc de constater que quelque chose empêche de donner la vie. Le travail transgénérationnel est ici souvent très fructueux pour ces couples. Généralement, ils ne savent pas que ce qui fait barrage à leur projet de devenir parent provient de leurs histoires familiales respectives souvent très chargées de difficultés et de drames. Ce travail va leur permettre dans un grand nombre de cas d’acquérir un nouveau souffle et d’accéder à leur désir.
Les difficultés des femmes pour vivre leur vie affective, sensuelle et sexuelle
On a vécu une révolution de mœurs sans précédent où la sexualité était un péché de chair, un tabou, un interdit de jouir. Depuis la contraception 1965, la libération sexuelle des années 70, la sexualité est passée dans les mœurs. Il est maintenant au contraire important pour la santé de tout le monde, de la famille, du couple, des enfants et de la société, de vivre une sexualité satisfaisante qui nous confirme nous tranquillise et nous dynamise. La contraception a bien mis en évidence la différence entre la fonction maternelle et la fonction féminine, et pourtant très peu de femmes et d’hommes sont satisfait(e)s de leur vie affective et sexuelle. On n’a jamais pensé qu’il nous fallait une transmission pour savoir vivre notre sexualité. On pensait qu’elle saurait se vivre automatiquement si on en avait le désir et l’autorisation. Force est de constater que le bilan est navrant.La majorité des femmes est encore construite dans l’interdit de jouir et les hommes sont encore pris dans les filets d’une sexualité fantasmatique , où ils vénèrent la mère de leurs enfants, aiment leur épouse et jouissent en pratiquant une sexualité de vidange de leurs tensions en dehors de la famille.Les femmes accueillent l’amour des hommes dans leur tête et leur cœur, mais difficilement dans leur sexe. Le sexe féminin manque toujours de transmission pour savoir s’ouvrir à l’autre et pouvoir accueillir et recevoir avec honneur et bonheur le sexe de l’homme à l’intérieur de leur corps.
Pathologiquement :
- Les femmes ne savent pas rencontrer l’homme qui leur plait.
- Elles perdent le désir pour l’homme qu’elles aiment dès qu’il y a un engagement de cœur et surtout à la naissance des enfants.
- Elles ont toujours des problèmes à la pénétration : elles ont peur, mal ou ne sentent rien à l’intérieur de leur corps.
- Elles n’aiment ni leur sexe ni celui de l’homme.
Quand une femme n’a pas reçu la transmission par sa mère principalement, sa grand-mère ou une autre femme que la sexualité donnait de la force et du plaisir de vivre, que c’était bon de recevoir les forces du sexe de l’homme dans son corps, pour se régénérer et fêter la vie, son corps ne le sait pas. Les forces sexuelles quand elles ne sont pas accueillies, au lieu de donner plaisir et jouissance, sont bloquées et provoquent des pathologies. Soit de terribles douleurs, soit le feu du désir enflamme leur sexe et au lieu de leur donner du plaisir, leur donne des inflammations : cystites vulvites vaginites métrites, salpingites colites. Toutes ces maladies en « ites » expression de Françoise Dolto, témoignent d’une absence de construction sexuelle pour savoir accueillir et réceptionner les forces sexuelles à l’intérieur de son sexe. Comprendre que ces difficultés sont encore un héritage de nos ancêtres femmes et hommes va permettre de se repérer, comprendre que nous sommes toujours emboités dans leur structure. Comprendre que les difficultés sexuelles ne correspondent pas à un manque d’Amour mais au contraire c’est parce qu’il y a de l’Amour que les difficultés se manifestent. Une histoire d’Amour nous reconnecte automatiquement à notre première histoire d’Amour, celle que nous avons tous et toutes connues avec notre mère et notre père. Avec notre mère c’étaient les câlins, les baisers, la douce chaleur des seins nourriciers. Seule, cette transmission ne nous permet pas de ressentir le désir d'être pénétrée. Nous sommes toujours emboîtées dans les femmes de la famille. La loyauté familiale à sa mère et à son père nous enferme. Une partie de nous reste toujours une fille.
Le travail transgénérationnel : au service de quelle guérison ?
Ce travail transgénérationnel opère un traitement du terrain pathologique dont on a hérité. En recontactant son origine, on change notre manière d’appréhender notre histoire. On fait connaissances avec nos ancêtres, on se fait une représentation de leurs vies d’hommes de femmes, de pères de mères. Réaliser que nos ancêtres ont eu leur propre héritage et leur propre histoire va nous les rendre plus humains. On ne va plus être dans les émotions. On va constater les évènements. On ne va plus les juger ni avoir de rancœur. On va pouvoir les accepter et les reconnaître comme ils ont été. Ne plus être dans la demande ou le reproche de ce dont nous avons manqué. Mettre du sens à nos énergies fantômes, celles qui nous entravent, remet de la mobilité, les liens se dénouent pour les générations suivantes. Donner de la vérité à son histoire familiale consolide sa propre la sécurité de base. Ce n’est pas seulement de la résilience qui nous fait accepter notre histoire sans en être victime, c’est un remodelage de la base qui va mettre fin à une transmission pathologique. Nous qui avons perdu le sens du rituel, ce travail opère un rituel de séparation où nous récupérons de la force pour aller de l’avant. Il ne s’agit pas de s’attarder ni d’être complaisant pour ne jamais quitter nos parents et ancêtres, il s’agit de prendre notre place d’adulte, quitter notre statut d’enfant, de fille et de fils. Plus qu’un rituel de séparation, c’est un rituel de prolongation. C’est sortir de la répétition qui nous a enfermé. Apprendre à devenir une femme vivante, créatrice, qui sache vivre sa vie de femme et de mère.