L'importance transgénérationnelle des rites funéraires
Jadis, nous avions des rites réparateurs de séparation et de deuil : les parents, amis, voisins, venaient veiller le mort et lui dire au revoir. Il y avait les vêtements noirs, les fleurs et couronnes, une cérémonie, les prières, les adieux, l’enterrement. On faisait l’éloge du défunt. Il y avait les visites, les lettres de condoléances et de remerciements, la sortie du deuil et la messe d’anniversaire Il y avait aussi, juste après la cérémonie mortuaire, des repas conviviaux au cours desquels la vie sociale reprenait. Boire et manger ensemble est un rite d’union, quelle qu’en soit l’occasion. On parlait du disparu, on se souvenait des bons moments passés ensemble. Ce temps de convivialité pouvait être un repas familial, une simple collation chez soi, dans un restaurant ou un café, près du cimetière .C’était un moment important, ressourçant, afin de ne pas repartir seul avec de tristes pensées. La convivialité, le fait d’être ensemble, entouré d’êtres qui nous aiment, peut soulager la tension de l’adieu et apporter un certain réconfort. Dans l’ensemble, ces rites, que l’on retrouve dans les sociétés traditionnelles, ne sont plus guère pratiqués de nos jours. Depuis longtemps on nous apprend la maîtrise de soi, la réserve à souffrir en silence et à ne pas le montrer.
Le travail de deuil
Nous avons tous, ou presque, des deuils non faits qui se sont accumulés au fil du temps. Ces pertes dont le deuil n’a pas été fait, nous les ruminons incessamment et elles nous empêchent de vivre. Or, plus on travaille ce vaste thème, mieux on arrive à sortir du deuil. Sans ce travail, nous ne cessons de trouver inacceptable la perte d’un être proche et aimé. Il vaut mieux pourtant affronter son chagrin et surmonter des pertes qui sont malheureusement inévitables dans la vie de tout être humain. Il est courant d’entendre qu’il n’y a pas de mots pour dire la souffrance de la perte et ce mal-être qui perdure. La société occidentale ne nous aide pas ; elle nous demande de rester digne dans la douleur, de ne pas nous plaindre, de vite redevenir « comme avant » et « en forme ».Or il existe des mots pour le dire, mais il faut qu’ils soient entendus et écoutés. Chaque personne en deuil doit pouvoir vivre autrement, que dans la solitude et dans l’incompréhension de sa grande souffrance, sa lente transformation personnelle.
Comment aider les personnes en deuil ?
La période de deuil est une grande période de fragilisation qu’il ne faut pas négliger, car tout changement est un stress nécessitant une nouvelle adaptation. « Tuer le mort qui est en nous » comme l’écrivait Freud est aussi ce que nous demande la société. Il serait moins difficile et douloureux de plutôt proposer de mettre le mort à sa juste place dans notre souvenir, de dénouer lentement les liens, un par un, et chacun le moment venu, afin de pouvoir explorer et d’avoir le temps de vivre intensément toutes les émotions douloureuses. Refouler ces émotions conduites à un évitement du deuil qui fragilisera la personnalité dans le futur.
Le travail de deuil et la garantie du non oubli
Le travail de deuil fait avec soin se porte garant du non –oubli. On peut ainsi remplacer l’absence extérieure par une présence intérieure. Le défunt n’est pas oublié, malgré la nostalgie, ce n’est pas un absent, dont on doit taire le nom, mais un présent intériorisé auquel on peut se référer si on le souhaite.
Créer ses propres rituels de séparation
L’incinération laïque est une pratique de plus en plus courante. Or, notre société manque, à cet égard, de rites spécifiques et personnels. La cérémonie doit avoir le plus de sens possible pour la famille. Il est important que les proches fassent quelque chose, qu’ils deviennent les acteurs des funérailles. Apporter un poème, un dessin, un souvenir une anecdote, un objet, une photographie, c’est créer un rituel de séparation personnalisé .Quoiqu’il en soit, il est fondamental d’associer les bons, les beaux et les mauvais souvenirs au moment de l’adieu. C’est un moment privilégié, à forte charge symbolique, où il faut parler vrai, juste, et dire ce que l’on a sur le cœur.
Travail du deuil conscient , inconscient et transgénérationnel
Le travail du deuil est inconscient, donc non volontaire. Cependant, un travail conscient est possible à condition de se faire aider ou accompagner par une personne formée à ce type de situation. L’expression des émotions est nécessaire pour intégrer, dépasser, surmonter un deuil. Comme le savaient bien les anciens , le travail de deuil est nécessaire pour l’équilibre et la santé de toute personne. Comme on ne peut pas faire l’impasse de ce travail, il vaut mieux l’affronter et éviter ainsi à soi et aux autres les conséquences souvent dramatiques de la maladie, de la déprime et des accidents.
Les enfants et le deuil
Les enfants en deuil ne peuvent aborder le travail psychique qui s’impose à eux que si l’entourage à pu prendre l’initiative de les y aider. Quoi que l’on fasse, une partie du travail restera en attente jusqu’à leur maturité.